Développement cérébral du chien

Comportement

Le chien est une espèce particulière, car elle est celle qui possède le plus grand polymorphisme, c’est-à-dire ayant la plus grande variété physique entre tous ses membres. Chacune des 344 races n’ont pas toutes les mêmes caractéristiques physiques et comportementales. Par exemple, la position des yeux, la présence de queue ou non, de plis ou non sur le visage, la stature élancée ou massive, etc. Tout cela va influencer les capacités motrices et communicatives des individus.

Ainsi, selon la race de votre chien, sa perception du monde et son action sur celui-ci, sera différente. Son Monde Propre dans le Monde Propre de l’espèce canine !

L’individu : Mais le concept est encore plus poussé, avec l’individualité ! Tous les chiens n’ont pas les mêmes caractères et ne perçoivent pas l’environnement de la même manière. Deux chiens issus d’une même race et d’une même portée, n’auront pas le même Monde Propre, loin de là !

Chaque chien aura son propre vécu, avec ses propres capacités sensorimotrices et donc son caractère unique et son individualité. Son Monde Super Propre ! 😉

Le développement comportemental : Bateson est un des pionniers à avoir décrit le développement comportemental, aussi appelé ontogénèse, dans ses travaux de recherche en 1981. L’ontogénèse est constituée de toutes les phases d’apprentissages qui existent au cours de la vie d’un individu. Certaines périodes sont plus intenses que d’autres et jouent un rôle clé dans le développement vers l’âge adulte : les périodes sensibles.

Une période sensible est un processus durant lequel les apprentissages sont plus faciles et les connaissances acquises sont stockées dans la mémoire à long terme. Elle est associée au développement du système nerveux central, qui favorisent la création et la mémorisation de nouveaux apprentissages.

En pratique, pendant une période sensible, un petit nombre d’expériences déterminantes auront des conséquences (positives ou négatives) majeures sur les comportements futurs du chien.

Les périodes sensibles : 

  • Période prénatale
  • Période néonatale
  • Période de transition
  • Période d’imprégnation
  • Période de socialisation et sociabilisation
  • Pics hormonaux

En bref ! Le développement cérébral et comportemental de notre chien dépend de multiples facteurs :

  • Monde Propre de l’espèce canine
  • + Monde Propre de la race
  • + Monde Propre de l’individu
  • + Ontogénèse de l’individu
  • + bien d’autres encore…

Si la génétique joue un rôle important dans le développement de votre chien, elle est bien loin d’être la seule en cause ! Il est donc primordial d’offrir un environnement et un accompagnement adapté à l’individu que vous accueillez chez vous, sans idéaliser chez lui un individu qu’il ne peut ou veut pas devenir.

La période prénatale

Dans le ventre de sa mère, on parle de période prénatale. Le développement du chiot se déroule ensuite en deux phases consécutives : embryonnaire puis fœtale.

Cette période lui permet déjà de faire de nombreux apprentissages qui influenceront sa future personnalité et ses futures réactions comportementales.

  • Apprentissage tactile : Lorsqu’une chienne gestante apprécie les caresses qu’une personne lui fait, cela active son système nerveux parasympathique. Celui-ci va produire des hormones associées au bien-être, qui vont pouvoir passer la barrière placentaire et seront perçues par les chiots. Ces-derniers feront ainsi une association positive avec le contact humain avant même de naître et seront plus aisément manipulables une fois nés.
  • Apprentissage olfactif : Si en phase prénatale et néonatale, les chiots n’ont pas encore développé leurs systèmes auditifs et visuels, l’un de leurs sens est déjà bien fonctionnel : l’odorat ! L’équipe de chercheurs Deborah L. Wells et Peter G. Hepper ont démontré que le régime alimentaire de la mère durant sa gestation affectait les préférences alimentaires des chiots et ce, même 15 minutes à peine après la naissance. Cet apprentissage in utero montre qu’ils ont d’ores et déjà des capacités de discrimination d’odeurs et de rétention d’informations olfactives.

Attention ! Si une chienne gestante évolue dans un environnement humain qui lui offre des contacts agréables lors des soins, cela aura des bénéfices clairs pour les petits, qui apprendront dès leur période prénatale que le contact avec les humains est quelque chose de positif. Mais l’inverse est également possible !

Le stress prénatal négatif peut être provoqué par de nombreuses situations, comme des conditions de vie dans un groupe qui ne s’entend pas, des manipulations désagréables ou violentes, la privation alimentaire, etc. Les petits dont la mère a été stressée négativement vont être eux-mêmes plus stressés. Ceux-ci présentent des comportements d’exploration de l’environnement réduits, avec une méfiance plus prononcée pour l’inconnu. Le stress perçu pendant la période prénatale réduit également les capacités d’apprentissage de manière générale, et perturbe les capacités à s’adapter à son environnement.

La période néonatale

Le chien est une espèce nidicole, c’est-à-dire que les petits ne sont pas capables de quitter leur « nid » : ils doivent rester avec leur mère et leur fratrie. Les petits ne sont pas autonomes, sont aveugles et sourds et ont besoin d’un adulte pour survivre. La période néonatale est donc une période de grande vulnérabilité pour les chiots.

Développé :

  • Systèmes olfactifs et tactiles
  • Réflexes primaires
  • Cerveau archaïque
  • Cerveau limbique

Non développé :

  • Systèmes auditifs et visuels
  • Motricité
  • Régulation de sa température
  • Capacité de faire ses besoins
  • Cortex
  • Imprégnation à l’espèce

L’imprégnation

C’est le fait qu’un individu va apprendre à reconnaître ses parents et va avoir des relations sociales préférentielles avec les membres de son espèce.

À la naissance, les chiots ne savent pas à quelle espèce ils appartiennent, et ne savent pas reconnaître les membres de leur espèce. Cela permet au chiot de pouvoir être élevé par une autre mère (quelle que soit l’espèce) en cas de perte de sa mère biologique et ainsi augmenter les chances de survies des petits.

La nature est bien faite ! L’équipe de Guardini a mené plusieurs études sur l’impact des soins maternels durant la période néonatale, en comparant les comportements de chiots en fonction de la quantité de soins maternels reçus. Les chiots de 2 mois étaient placés dans un environnement inconnu puis face à une personne inconnue.

Ceux ayant reçus beaucoup de soins maternels exploraient davantage leur environnement, s’approchaient facilement de la personne et mettaient plus de temps avant de présenter des signes d’inconfort. Au contraire, les chiots ayant reçus peu de soins maternels présentaient plus de comportements associés au stress.

En bref ! Pendant très longtemps, les études scientifiques, ainsi que les croyances populaires, ne se concentraient quasi-exclusivement que sur la période d’imprégnation (aussi appelée « de socialisation ») pour évaluer l’impact de l’éleveur sur les futurs comportements du chien. Aujourd’hui nous savons que celui-ci joue un rôle clé dès la fécondation de la mère.

Au-delà des questions de sélection génétique pour des problématiques de santé, le choix de l’éleveur est, encore une fois, capital. Pour des chiots équilibrés dès la naissance, il est primordial d’offrir une qualité de vie bienveillante et sereine à la chienne gestante.

CEPENDANT, l’éleveur ne fait pas tout ! Si votre chiot démarre sa vie avec certaines prédispositions, aucun comportement n’est définitif. Grâce à sa plasticité neuronale, la capacité de modifier ou de créer de nouveaux comportements, votre chien peut apprendre et évoluer toute sa vie. Et cela, dépend de votre responsabilité !

La période de transition

Cette période, qui dure quelques jours seulement, est très importante. Elle commence au 15ème jour de vie du chiot, qui correspond généralement à l’ouverture de ses paupières et se termine aux environs du 21ème jour, avec l’ouverture des oreilles. En une semaine, de nombreuses évolutions (physique, cérébrale et comportementale) se produisent chez le chiot.

  • Les premières dents commencent à apparaître.
  • Le poids du chiot est multiplié par 4 et la thermorégulation devient totalement efficace.
  • Le chiot commence à se lever, de l’avant à l’arrière, jusqu’à avoir des mouvements coordonnés et pouvoir se déplacer.
  • Le nombre de connexions d’un neurone passe de quelques centaines à plusieurs milliers.

De nouveaux comportements

  • Attachement mère-chiot: L’imprégnation à l’espèce et l’attachement réciproque mère-chiot ont lieu. L’attachement mère-chiot devient alors un symbole rassurant pour ses petits. Une étape clé dans l’acquisition des nouveaux comportements.
  • Exploration: Comme il est désormais plus mobile, le chiot va commencer à se déplacer et à explorer son environnement. C’est une phase clé de son développement, qui déterminera son comportement à l’âge adulte face aux nouveautés. Grâce à sa nouvelle mobilité, le chiot s’éloigne en solitaire pour découvrir le monde qui l’entoure. Dès qu’il sera trop loin de sa mère, ou qu’il vivra une émotion, il va se rapprocher d’elle pour être rassuré à son contact, analyser et intégrer son expérience. Une fois retourné au calme, il repartira explorer une autre zone. Ce schéma se produit tout autour de la mère, ce qui forme virtuellement une étoile dont elle est le centre.

Petit à petit, les distances d’exploration seront plus éloignées et coïncideront avec son entrée dans la période d’imprégnation ou dite “de socialisation”.

Une bonne période de transition, c’est quoi ?

  • L’environnement: Il doit être assez riche pour le stimuler et lui faire découvrir divers objets, textures, bruits, sans être trop (trop fort, trop dur, trop bruyant, etc.).
  • La mère: Elle doit assurer son rôle de figure sécurisante, pour permettre au chiot d’apprendre à explorer un environnement inconnu en toute tranquillité.
  • L’homéostasie: C’est la capacité d’un organisme à maintenir une stabilité malgré les changements de son environnement. En bref, le seuil de tolérance face aux stimuli !

En bref ! En une semaine, le chiot, alors âgé de 3 semaines, profite de tous ses sens fonctionnels, est capable d’identifier son espèce et sa fratrie et met en place de nouveaux comportements. Le développement du cortex cérébral n’en n’est pas achevé pour autant et il se poursuit par une phase de plasticité neuronale très active sous l’influence des facteurs externes. À partir de sa quatrième semaine, le chiot entre dans une période critique pour son développement cognitif et éducatif : la socialisation et la sociabilisation.

Les pics hormonaux

 

Les chiots sont des génies ! Ils sont capables d’apprendre et d’absorber une foule de détails, très rapidement et d’une facilité déconcertante. Chaque nouvelle expérience, compétence, connaissance créent de multiples connexions neuronales et de nouveaux neurones. Plus un circuit neuronal est emprunté, plus il se renforce*. Le cerveau fabrique alors de la myéline pour rendre la transmission plus rapide.

*Visualisez un chemin de forêt qui se transforme – à force d’être arpenté – en sentier, puis en route jusqu’à devenir une autoroute.

Puis, arrive l’adolescence !

C’est une phase de développement physique et mentale qui s’étend de la puberté jusqu’à l’âge adulte. À partir de 5 mois, ce n’est plus un « chiot » mais plutôt un « jeune chien ». Cette période sensible – qui dure et débute à temporalité variable selon les races de chiens – s’accompagne de son lot de changements biologiques et comportementaux, plus souvent connus sous le nom de la terrifiante « CRISE D’ADOLESCENCE ».

Comprendre l’évolution et les changements survenant à cette période permet de mieux les appréhender et d’accompagner son chien dans cette étape de vie.

  • Les pics hormonaux

Étape majeure de l’adolescence : la puberté. En bref, c’est un phénomène enclenché par la maturation des glandes surrénales (synthétisent et libèrent les hormones) suivi des glandes sexuelles (testostérone et oestrogène)*.

Cette diffusion d’hormones entraîne à son tour une poussée de croissance au niveau de la taille, du poids et de la masse musculaire. Le cœur et les poumons se développent en taille et en capacité, ce qui conduit à une augmentation de la forceet de l’endurance à l’exercice physique.

*Pour un chien de taille moyenne, on estime son premier pic hormonal aux alentours de son 6ème mois et le second pic vers le 9ème mois.

  • Du côté cérébral

Ce qui est intéressant, c’est que chez tous les mammifères, ces changements hormonaux entraînent une réorganisation du cerveau durant la période d’adolescence ! Trois grandes transformations touchent le cerveau adolescent : l’élagage, la myélinisation et le remodelage.

  1. L’élagage : Le cerveau détruit les circuits neuronaux qui n’ont pas été suffisamment renforcé et donc myélinisé. C’est à cette période que l’on découvre que notre chien ne sait – subitement – plus marcher en laisse, par exemple.
  2. La myélinisation : La myéline continue son rôle de protéger les circuits neuronaux et d’augmenter leur vitesse d’influx nerveux. Attention donc aux comportements – et parallèlement, aux circuits neuronaux – renforcés durant cette période.
  3. Le remodelage : La zone la plus impactée pendant l’adolescence est celle du cortex préfrontal. C’est lui qui assure la régulation émotionnelle et le rapport aux autres. Apparaissent alors des changements dans la prise de risque, l’humeur, l’irritabilité et les conflits intra et interespèce.

Oui mais, concrètement ?

Selon les individus, l’adolescence peut être un cycle où les figures d’attachement ont envie de s’arracher les cheveux. Rassurez-vous : ce n’est que transitoire !

  • Intensification des réactions émotionnelles ;
  • Développement de l’engagement relationnel ;
  • Comportements plus impulsifs et prises de risques ;
  • Phase conflictuelle avec les figures d’attachement ;
  • Recherche accrue du circuit de récompense ;
  • Disparition de comportements souhaités ;
  • Apparition de comportements dits gênants ;
  • Diminution de la capacité “d’obéissance” ;
  • Tempérament plus marqué avec les hormones ;
  • etc.

Comment faire ?

  • La satisfaction des besoins fondamentaux est indispensable pour maintenir un équilibre émotionnel et faciliter les apprentissages ;
  • Un lien sain avec une bonne communication, une confiance réciproque, de la cohérence et accepter de le guider plutôt que le contrôler ;
  • Une progression pédagogique qui permet sa réussite systématique face aux difficultés rencontrées, qui augmente sa confiance en lui.
  • Ne jamais oublier que c’est une période sensible, biologique et transitoire dans le développement de la vie de votre chien !

 

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Mickaël

Éducateur canin, comportementaliste, diplômé d’État et auteur expert pour BIOGANCE.
@amikanin

https://amikanin.fr/a-propos/